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我们并不当真,当我们年方十七

06 March 2015

传奇

阿瑟·兰波

  我们并不当真,当我们年方十七。
  ——一个美妙的晚上,去他的柠檬水和啤酒,
  去他的吵闹咖啡厅灯火熠熠!
  ——我们去散步道绿色的菩提树下悠游。
  
  菩提树闻起来芬芳在六月的美好夜晚!
  空气有时如此温柔,弄得我们闭上眼皮;
  带着种种声息的风,——城市并不遥远,——
  有葡萄藤的香气和啤酒的香气……

  ——这就是我们看到的小小一团
  暗沉天空,环绕着一根小树枝,
  刺上了一颗正以轻柔的寒颤
  熔化的坏星星,微小而白皙……
  
  六月的夜晚!十七岁!——我们让自己微醺。
  汁液是香槟,冲上你的头……
  我们胡言乱语;我们感到唇上有一个吻
  在那里悸动,如同一只小小的野兽……

  经过一个个传奇的鲁滨逊的疯狂心脏,
  ——当一盏昏暗路灯的光亮里面,
  走过一个哼唱着迷人小调的姑娘,
  在她父亲吓人的假领子的阴影下面……
  
  而且,因为她觉得你极其幼稚,
  正踩着小皮靴一路小跑,
  她一下子转身,敏捷又伶俐,
  ——短歌咏叹就在你的唇上死掉……

  你恋爱了。一直被赞美到八月。
  你恋爱了。——你的商籁让她发笑又开心。
  你所有的朋友都离开了,你是死皮赖脸风度缺缺。
  ——然后钟爱的人儿,一天晚上,屈尊给你写了信……!
  
  ——这天晚上……——你回到咖啡厅光彩熠熠,
  你点上啤酒或者柠檬汁……
  ——我们并不当真,当我们年方十七
  而我们散步的地方满是绿色的菩提。


Roman

Arthur Rimbaud

I

  On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
  - Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
  Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
  - On va sous les tilleuls verts de la promenade.
  
  Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
  L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
  Le vent chargé de bruits - la ville n’est pas loin -
  A des parfums de vigne et des parfums de bière…

II

  - Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
  D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
  Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
  Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
  
  Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
  La sève est du champagne et vous monte à la tête…
  On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
  Qui palpite là, comme une petite bête…

III

  Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
  - Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
  Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
  Sous l’ombre du faux col effrayant de son père…
  
  Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
  Tout en faisant trotter ses petites bottines,
  Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
  - Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…

IV

  Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
  Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
  Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.
  - Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire !…
  
  - Ce soir-là…, - vous rentrez aux cafés éclatants,
  Vous demandez des bocks ou de la limonade…
  - On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
  Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.